Nathalia Kloos

Recherche en cours
Autorité marginale
Dans la pratique du bondage (contrainte par attachement), l’abandon va de pair avec la notion d’autorité. La personne attachée choisit d’abandonner provisoirement une part de son pouvoir d’agir à l’autorité de celle qui l’attache. Cette transaction complexifie une approche individualiste de la liberté.
Les pratiques de soumission déjouent le script érotico-sexuel « classique » (qui a pour finalité la jouissance et/ou la reproduction). À partir de cette matrice érotique marginale, j’aimerais mener une recherche poétique autour de la question de l’autorité.
Une étymologie commune existe entre les mots « autorité » (auctoritas) et « auteur » (auctor). Qu’est-ce que l’abandon à une autorité que l’on choisit, dans un cadre auquel on consent, libère dans l’esprit et dans le corps ? Surtout, quand nous ne nous reconnaissons pas dans les cadres d’autorité institués (pour ce qui relève de la sexualité, dans une pratique reproductive), quels espaces pour une autorité instituante et émancipatrice ?
Évidemment les pratiques de soumission s’accompagnent également de leurs scripts fantasmés ou pratiqués, de leurs canons et de leurs cadres. Je souhaite interroger la notion d’un « canon marginal ». Est-ce que le canon nous encombre ou nous « auteurise » ? En avons-nous besoin ?
Mon oreille lusophone et indisciplinée ne peut s’empêcher d’entendre un lien étymologique absolument fictif entre les mots « autorité » et « altérité ». Dans mon esprit, ça fait sens : l’autorité est représentée par une forme d’« autre ». À partir de l’idée de consentir à s’abandonner à l’autre, j’aimerais réfléchir à un déplacement de la notion judiciarisée du consentement (très importante contre les violences sexuelles) et penser à une idée du consentement qui ne serait pas réactive, mais « fabulative » – qui ne se cantonnerait pas au « oui » ou « non », mais qui fabriquerait les conditions de son cadre, et de son dépassement. Je l’appellerais un « consentement fabulatif ».
Dans la solitude d’une recherche à L’L, j’aimerais chercher dans mon histoire-corps les empreintes de ces « autres » – dans des gestes, des mots, des pratiques… De quoi aimerais-je hériter ? Entre l’Europe et l’Amérique latine, quelles histoires pourraient constituer pour moi une autorité stimulante ?
Nathalia Kloos, juin 2025
Image: © Camille Laforcenée, d’après Georgia O’Keefe
Parcours à L'L
Suite à un dépôt de candidature, Nathalia Kloos entame un processus de recherche à L’L en août 2025.
Nathalia Kloos est née et a grandi dans le Sud de l’Amazonie brésilienne. À dix-sept ans, elle a littéralement fui avec le cirque, quittant des études d’ingénierie civile. Partagée entre la pratique de la scène et son désir d’écrire, elle finit par poursuivre des études littéraires et philosophiques à la Sorbonne (Paris III et Paris I). Cette oscillation entre geste théorique et scénique marquera ensuite l’ensemble de son parcours.
En tant que dramaturge, elle a accompagné plusieurs artistes (Marine Mane, Soizic Lebrat…). En 2024, elle co-signe, avec Némo Camus et Robson Ledesma, la mise en scène de Dona Lourdès. Une performance chorégraphique sur les manières d’hériter d’une culture exotisée (à savoir, la culture de la samba brésilienne en Europe).
Depuis 2016, Nathalia Kloos est membre de la revue Jef Klak. Elle s’intéresse aux façons de travailler en collectif, à la pop culture, aux imbrications de l’intime et du politique dans les relations affectives et dans les luttes territoriales. En 2025, elle est accueillie en résidence au Shakirail (Paris) pour l’écriture d’une bande dessinée, un western politique amazonien. Elle collabore également avec différentes revues indépendantes dont Panthère première et CQFD…