Johanne Pastor

En quête de flow

«Le flow est un état qui me fascine depuis un moment, et c’est le sujet principal de ma recherche quand j’arrive à L’L en 2022.

Le flow est un état d’hyper concentration qui nous amène presqu’en dehors de nous-même, qui nous fait perdre la notion du temps et de nos besoins les plus primaires, qui nous fait être à 1.000% dans la tâche que l’on effectue, sans se préoccuper d’autre chose.

Ça n’est pas forcément l’état le plus confortable à vivre sur le moment. Mais, quand on en ressort, on est dans une sorte d’euphorie, de calme, de bien-être et de satisfaction.

Je voulais, grâce au flow, pouvoir écarter mon égo du travail créatif et permettre ce que j’appellerais une « présence totale au plateau».

Cela dit, avec le temps, j’ai pris du recul vis-à-vis du flow. Notamment parce que c’est un concept qui est repris dans le monde du travail et du management pour augmenter sans cesse la productivité des travailleur·euses. Et cette appropriation me déplaît; ce n’est pas ce que je souhaite défendre ou promouvoir.

 

Alors, après avoir cherché à expérimenter le flow, à le définir pour moi, à trouver des moyens divers et variés pour l’atteindre, j’ai décidé qu’il ne serait plus mon sujet d’expérimentation en soi, mais un outil pour poursuivre ma recherche. Un outil parmi d’autres pour explorer la notion de bien-être, qui a fini par s’imposer comme moteur dramaturgique principal.

À nouveau, le terme «bien-être» m’est quelque peu difficile. Il est à la fois perçu comme une perte de temps, notamment dans certains milieux de luttes radicales, ou comme un levier (au même titre que le flow) pour stimuler les performances et l’endurance des travailleur·euses.

Je décide, au contraire, de penser le bien-être comme un outil politique qui permet d’aller à la rencontre de soi, de cultiver le rapport aux autres, au vivant, et de contribuer à la recherche d’un meilleur équilibre écosystémique.

Pour cela, je choisis de me concentrer sur l’écoute de mes émotions et de mon environnement, le repos et le biorythme, la lenteur, le plaisir… L’idée est de trouver un corps puissant et affirmé.

Oui, mais tout ça, c’est théorique. Qu’est-ce-que je cherche concrètement?

Je cherche à mettre cela en mouvement; à créer les conditions qui permettent à mon corps d’être à l’écoute de lui-même, afin de générer le mouvement «par lui-même».

Pour ce faire, je place d’abord mon corps dans un état de relaxation et d’écoute intense (proche du flow), grâce à des exercices de méditation, de cohérence cardiaque et d’auto-hypnose; puis je l’active en me nourrissant surtout de mes sensations.

D’autres conditions peuvent aussi intervenir, sous forme d’une installation, d’une bande-son, d’un scénario, d’images mentales, d’écriture poétique…

L’observation de la nature et la biophilie¹ ont une place importante dans cette recherche. La lenteur aussi: il me faut trouver le temps de ralentir le mouvement, afin de déployer mon attention, ma concentration, d’atteindre une meilleure écoute de mes sensations, et d’aller chercher l’endroit où c’est le corps qui guide le mouvement, et non l’égo et la volonté qui le contrôlent.»

Johanne Pastor, novembre 2025

1. Amour pour la nature et le vivant

Photo: © Johanne Pastor

Photo: © Pierre Liebaert

Parcours à L'L

Après dépôt de candidature, Johanne Pastor entame sa recherche à L’L en juin 2022.

D’abord installée à Paris où elle suit une formation en Art Dramatique au Conservatoire du XIIe et un Master d’Études Théâtrales à la Sorbonne, Johanne Pastor passe ensuite deux ans à San Francisco où elle termine sa formation à la SFSU School of Theatre and Dance. Elle y suit notamment des cours de théâtre gestuel et de Suzuki. En parallèle, elle travaille avec des compagnies de théâtre-mouvement comme P.U.S. et Mugwumpin.

De retour en Europe, Johanne s’installe à Bruxelles où elle travaille comme comédienne avec des compagnies aux démarches variées. Avec le metteur en scène canadien Ryszard Nieoczym, elle expérimente le théâtre à travers l’épuisement du corps (inspiré du travail de Grotowski) ; elle explore également la forme cabaret avec la compagnie Les Heart’istes, la comédie musicale avec la Compagnie des Rêveurs ou encore, le théâtre documentaire avec Central Dogma. Actuellement, elle joue dans Le Parlement des Animaux, fable écologique à destination des 4-8 ans, imaginée par Noemi Tiberghien.

Ces dernières années, elle développe également un travail d’assistanat à la mise en scène, notamment auprès de Peggy Thomas pour Cymbeline (2021), de Marie Lecomte pour La Plus Belle Chanson du monde (2024) et Feu les Animaux (2024), et de Jeanne Dandoy pour Jamais plus (2025).