La nuit est tombée sur le royaume

Michaël Allibert & Jérôme Grivel

Le désordre, et le pouvoir… Le champ d’attaque d’une recherche transdisciplinaire et, pour l’heure, tous azimuts. Le désordre n’est-il tout simplement pas un ordre dont nous n’aurions pas les clés ?

« La nuit est tombée sur le royaume… S’il faut un titre, ce sera (provisoirement) celui-là ; comme un point de départ.
Paul Mercier, dans Les civilisations du Bénin, parle d’un moment qui se situe entre la mort d’un roi et l’avènement d’un autre comme d’une période de confusion et d’abandon aux désordres. C’est également le moment où l’on peut s’emparer de nombre de biens, où l’on peut presque en venir à s’emparer des vies. Une période où, précisément, « la nuit est tombée sur le royaume ».
C’est cette notion de désordre qui m’intéresse d’explorer ici. Et, par là même, de questionner l’ordre et donc, en creux, le pouvoir… Mais comment faire advenir le désordre ? Comment questionner le pouvoir ? Et cela, sur un plateau ? Les questions centrales de cette seconde recherche à L’L.
Pourquoi le désordre a-t-il si mauvaise presse ? Il n’est finalement qu’un élément constitutif de nos vies dont nous ne savons rien puisqu’il est imprévisible, accidentel, étranger à nos tentatives d’organisation. Il est finalement l’élément perturbateur qui chamboule la linéarité, et nous permet de ne pas trop nous enliser tout au long de notre existence.
Pourtant, pour les tenants de l’ordre (le politique par exemple), c’est un ennemi dangereux qui doit être canalisé, réduit à son minimum, sinon effacé, parce qu’il est par essence ingérable, imprévisible, et en somme un contre-pouvoir absolu.
D’où la question : la liberté ne serait-elle pas tapie dans le désordre ? »

Michaël Allibert

Résidence mars 2015:
« J’ai demandé à Frédéric Vinot (Maître de Conférences HDR en Psychopathologie clinique) de participer à la réflexion autour de La nuit est tombée sur le royaumeaprès la lecture d’une communication qu’il avait écrite sur « exclusion sociale et non-lieux, des espaces urbains à la pulsion ». J’y ai retrouvé, d’une certaine façon, des problématiques qui peuvent être les miennes en terme d’appropriation d’espace, de traces laissées, de traits dessinés mais pris sous un angle, non pas chorégraphique, mais psychanalytique. » M.A.

Psychologue clinicien de formation, Frédéric Vinot soutient une thèse en 2006 (« Fondements vocaux de la socialité : insertion de la voix dans la clinique de l’exclusion »), puis est recruté en 2008 en tant que Maître de Conférences par l’Université Nice Sophia Antipolis où il dirige actuellement 2 diplômes : le M2 « Psychologie clinique et médiations thérapeutiques par l’art » et le D.U. « Interaction, Art et Psychothérapie ». Depuis 2014, il est habilité à diriger des recherches.
Ses travaux portent sur les usages des pratiques artistiques dans la rencontre clinique (« Les médiations thérapeutiques par l’art : le Réel en jeu » co-dirigé avec JM Vives, publié en 2014 aux éditions Eres) et sur une modélisation psychanalytique de l’habiter, comprenant à la fois le point de vue clinique (en 2008-2010, il dirige le rapport « Dimensions Psychologiques de l’habiter chez les personnes SDF ») et le point de vue artistique (conférences sur G. Rousse, F. Varini, G. Matta-Clark, etc.).
Membre du mouvement Insistance, il exerce la psychanalyse à Nice.