Natacha Romanovsky

Parcours à L'L

Suite à un dépôt de candidature, Natacha Romanovsky entre à L’L et entame une première recherche en mars 2015, avec comme point de départ l’ouvrage de Théodore Monod, Et si l’aventure humaine devait échouer. Cette recherche se termine en juillet 2020.
Natacha démarre sa seconde recherche en janvier 2021.

Natacha Romanovsky est née dans le courant des années 1970 à cet endroit : latitude 50° 48’ 0” Nord ; longitude 04° 19’ 60” Est.
Venue au monde à une altitude d’environ 47m, rien ne la prédestinait à arpenter les montagnes.
Quand elle eut atteint 1,72 m, elle finit dignement ses études d’anthropologie, suivies en parallèle d’études de cirque, et décida dans l’ascenseur du Bâtiment C de l’ULB d’opter plutôt pour le monde des arts que pour celui de la cohabitation avec de lointaines ethnies.
Elle passa beaucoup de temps dans les vagues (océanes et émotionnelles), mais l’élément le plus marquant de son début de vie furent les 12.000 km parcourus entre la capitale belge et la capitale tibétaine durant l’année qui vit la création du territoire du Nunavut au Canada et le naufrage de l’Erika. Natacha atteignit cette année-là l’altitude de 5.700 m sur de faibles jambes et dans d’assez désagréables conditions.
Elle s’est ensuite précipitée sous chapiteau à l’école de cirque de Madrid (latitude 40° 24’ 59” Nord ; longitude 03° 42’ 09” Ouest ; altitude 667 m) et fut prise dans un tourbillon de pompages, d’abdominaux, de verticales, d’équilibres, de liberté et d’amour.
S’en est suivi une micro carrière de circassienne, arpenteuse de festivals ; une vanlife entre bohème et engagements.
Il y eut aussi des errances, beaucoup de voyages, de déplacements, beaucoup, et de l’écriture – ayant été contaminée en 1994 par la lecture de Jack kerouac et n’arrivant pas à guérir d’un mal qui lui convenait très bien.
Courbaturée, vers sa trentième année, Natacha se réorienta vers la danse contemporaine, et d’improvisation, à Rome (latitude 41° 53’ 30” Nord ; longitude 12° 30’ 40” Est ; altitude 52 m).

Encore plus courbaturée, et à l’approche de sa moitié de trentaine, elle se réorienta à nouveau vers le théâtre, à Paris (latitude 48° 51’ 12” Nord ; longitude 02° 20’ 55” Est ; altitude 47 m).
Ensuite, à l’approche de sa quarantaine, révoltée contre le manque de corporalité chez les acteurs, elle se mit à table pour écrire.
L’artistique perdait le corps… mais… elle se mit à courir les montagnes et les océans.
En quête d’une existence à la Benjamin Button, Natacha augmente les difficultés physiques avec les années.
Ses besoins créatifs s’illustrent actuellement également dans la photo et la vidéo.
Ses besoins alimentaires, dans la restauration italienne.
Une première recherche à L’L, clôturée en juillet 2020, lui ouvre les univers de la lutte écologique, de la haute montagne, de l’animalité assumée, de la philosophie, et du voyage à vélo.
Une nouvelle recherche débutant en janvier 2021 lui offre un retour vers l’anthropologie qu’elle avait quitté dans le Bâtiment C.
Objets essentiels au travers des âges : une combi, des trucs qui glissent sur l’eau ou la neige, du papier, des « bics », des livres, des bottines, une tente et un appareil photo.
Attitude élémentaire : le mouvement.
État d’être en voie de maîtrise : tendance à l’hypersensibilité.

 

Recherche en cours

© Natacha Romanovsky

Nous sommes Nature.
Tel était le point d’arrivée de ma première recherche à L’L… Et le point de départ de cette seconde.
Avec la différence que je me concentrerai non plus sur l’humain, mais sur le non-humain : le végétal, l’animal, le minéral, l’atmosphérique…
Car, comme le dit l’anthropologue Eduardo Kohn, dans Ce que pensent les forêts : « Il est non seulement crucial, mais aussi urgent, de développer une manière précise d’analyser dans quelle mesure l’humain est tout à la fois distinct de, et en continuité avec, ce qui se trouve au-delà de lui. »
En janvier 2021, au moment d’entamer cette nouvelle recherche, c’est pour moi une nécessité absolue. Et une question de survie pour le Vivant sur terre.

Mais comment parler du non-humain en tant qu’humain ?
Voilà une question méthodologique que je vais devoir me poser.
Quelle pratique adopter pour « raconter » ce non-humain ?
Sans doute un mélange de disciplines. Ce qui rejoint, d’une certaine façon, le principe de non-séparation que renferme Nous sommes Nature.

Pratiques de terrain, pratiques d’observation, expériences à vivre, immersions, allers-retours entre l’écrit et l’action… Il va me falloir chercher des pratiques, placer mon pas ailleurs (de côté), me dépayser, bifurquer, voir par d’autres yeux.
Tels les récits d’expériences de pistage du loup, de l’ours et de la panthère des neiges, par le philosophe Baptiste Morizot qui, dans ses recherches de nos animalités intérieures, se demande comment faire monde commun avec les bêtes et, tout simplement, comment s’amener au respect et à l’humilité.
Telles les explorations entre art et anthropologie de Tim Ingold, qui amènent vers une nouvelle éducation.
Telles Vinciane Despret et Donna Haraway, qui me serviront également de guides pour mon départ en recherche.

Comme des empreintes à suivre, j’aimerais notamment aller chercher du côté des organisations territoriales : humaines, animales, végétales…
Et du côté de nos sens, aussi. Que voit-on de ce que nous nommons « paysage » ? Qu’entend-on, à part le bruit fait par les Hommes ? Que ressent-on dans notre besoin de nous couper du froid ou de l’humidité ?
Aller chercher également du côté de ce grand tabou qu’est le refus de l’humain d’être une proie, d’être une simple viande dans un écosystème.
Sans oublier d’aller du côté du « sauvage ». Cet « imprévisible », selon la philosophe Joëlle Zask (qui a récemment étudié les animaux sauvages dans les villes). En opposition à l’obsession humaine de planification et de contrôle.
L’enjeu sera aussi, bien évidemment, de traduire ces questionnements en expérimentations artistiques. À commencer peut-être par une tentative d’invention de langages qui ne soient pas ceux sur lesquels repose notre vision du monde tolérant la destruction de la planète.
Des langages pour raconter, mais aussi des langages pour comprendre.

Que dit l’arbre de la déforestation ?
Que pense la pierre à propos des mines ?
Peut-être dois-je apprendre à parler arbre, à parler pierre, pour le savoir…

Natacha Romanovsky