Michaël Allibert

& Jérôme Grivel

Parcours à L'L
En février 2011, Michaël Allibert remporte le Prix de la Recherche lors des HiverÔclites (scène ouverte organisée par les Hivernales/CDC en Avignon). Le prix en question : une semaine de résidence à L’L. Après cette première rencontre en septembre 2011, proposition lui est faite d’entrer en résidence de recherche. Un an et demi plus tard (février 2013), il présente une étape de sa première recherche à L’L, au festival Artdanthé à Vanves. Suite à cette confrontation avec les publics, décision est prise de passer à la phase de création de 35.000 grammes de paillettes en fin de journée, qui est créé à Roubaix dans le cadre du z00m!, en mai 2013.
En janvier 2014, il entame une seconde recherche à L’L, qu’il intitule : La nuit est tombée sur le royaume. Jérôme Grivel vient se joindre à lui. Ensemble, ils aboutissent à une création qu’ils présentent en première au festival actoral 2016, à Marseille.
En janvier 2017, le tandem se lance dans une dernière recherche dont le titre exprime clairement le sujet exploré : Jouir.
Michaël Allibert

Michaël Allibert est né en 1977. D’abord formé en théâtre par Robert Condamin et Jacqueline Scalabrini (anciens élèves et compagnons de Jean Dasté), il aborde toutes les techniques du théâtre classique et contemporain ; la danse vient plus tard, au départ simplement pour améliorer sa conscience du corps.
En 1997, il rencontre Marie-Christine Dal Farra avec qui il engagera un travail privilégié de plusieurs années. Il se lasse du théâtre, de ses codes, de son excès de discours et se consacre exclusivement à la danse en faisant de nombreux stages avec plusieurs chorégraphes. Puis une boucle est bouclée en rencontrant Jackie et Denis Taffanel, avec lesquels il renoue avec la voix.
Depuis 1999, il travaille pour plusieurs compagnies comme danseur, comédien, clown, manipulateur de marionnettes, assistant chorégraphe (Cie Les Rats Clandestins, Cie Reveïda, Cie Hanna R, Cie de L’Arpette, Divine Quincaillerie ou La Zouze – Cie Christophe Haleb) un peu partout en France et à l’étranger, jouant tout aussi bien dans des salles des fêtes, la rue ou des Centres Nationaux.
En 2005, il crée son propre groupe, Trucmuche Compagnie, et développe un travail transgenre de création contemporaine, entre danse, théâtre et masque. Constituée de danseurs, de comédiens et de musiciens, la Trucmuche Compagnie cherche une articulation commune à ses différentes pratiques pour dire au plus juste, pour explorer « la bancalitude du monde » : Le bal des Perdus (2009), Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir (2011), Office du Tourisme (2013).
En 2012, la SACD et le festival IN d’Avignon lui passent une commande dans le cadre des Sujets à Vif.

Jérôme Grivel

Né en 1985 à Mulhouse, il vit et travaille entre Montreuil et Nice.
Sa production artistique renvoie aux thèmes récurrents de la faculté des corps à répondre ou à s’accommoder de situations particulières. Qu’elles se manifestent sous formes de contraintes, de stimuli, d’invitations ou d’injonctions, ses sculptures, installations, vidéos et performances défont les relations ordinaires et prévisibles entre espaces, expériences et limites. La coercition apparente peut ainsi venir révéler la possibilité d’une prise de liberté et la frustration être le vecteur d’une réinvention des capacités de faire et d’exister.
Son travail a été montré en France et à l’étranger dans diverses galeries, festivals et institutions dont une exposition monographique à l’Espace de l’Art Concret en 2015 (Mouans-Sartoux, F) et des présences dans des expositions collectives : Institut d’Art Contemporain (Villeurbannes, F), Cité internationale des Arts (Paris, F), une participation à la biennale de Mulhouse en 2012 (F), au Salon de Montrouge en 2009 (F) et au festival City Sonic #7, en 2009 (Mons, B).
Parallèlement à sa pratique personnelle, il se consacre à de nombreuses collaborations et projet curatoriaux. Il développe notamment une activité de musicien et participe à plusieurs formations de musique noise et expérimentale. Son intérêt et sa pratique de la musique improvisée l’amène à co-créer et organiser le festival de M.A.I (musiques actuelles improvisées) à Nice en 2012 et 2014. En 2013, il rejoint le groupe de recherche Frame avec qui il organise diverses expositions et participe à des programmes liés aux questions de recherches en art (Université Nice Sophia Antipolis en 2014 et 2015 ; Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne en 2016 et 2017).
Depuis 2014, il collabore avec le chorégraphe Michaël Allibert autour de projets entre installations et pièces chorégraphiques.

Recherches terminées

© Trucmuche cie
35.000 grammes de paillettes en fin de journée

Michaël Allibert.

« Plus ou moins 4 millions de poils

4 kg de peau, pour une superficie totale de 28 m2

97.000 km de veines

640 muscles dont 1 creux

204 os articulés

12 organes vitaux

46 chromosomes, dans le meilleur des cas

90 milliards de neurones

1.750 déglutitions par jour

8.000 litres d’air inspirés par jour

100.000 battements de cœur par jour

pour 9€40 de l’heure

7 heures par jour

5 jours semaine…

Et 35.000 grammes de paillettes en fin de journée. »

Dans un espace « clos », contraint/restreint, surexposé et mis « sur écoute », dans un espace entre étal de boucher et plateau de peep-show, Michaël Allibert se met à l’épreuve des regards (et se met physiquement à l’épreuve) à travers un « effeuillage » chorégraphique répété pendant sept heures.

Une manière d’éprouver concrètement la semaine des 35 heures, et d’aborder de façon presque torve l’obligatoire notion de flexibilité du travail (ou plus exactement, du travailleur).

Se vendre, devoir se vendre, pour gagner sa vie. Gagner sa vie ? Quelque chose d’obscène dans cette expression, et ô combien révélateur d’une forme de putasserie systémique de notre quotidien…

35.000 grammes…, un objet à vivre comme une installation live : un objet à observer tout autant de près comme de loin, et autour duquel tourner (pourquoi pas) histoire de ressentir toutes ses coutures et ses aspérités.

© Trucmuche cie
La nuit est tombée sur le royaume

Le désordre, et le pouvoir… Le champ d’attaque d’une recherche transdisciplinaire et, pour l’heure, tous azimuts. Le désordre n’est-il tout simplement pas un ordre dont nous n’aurions pas les clés ?

« La nuit est tombée sur le royaume… S’il faut un titre, ce sera (provisoirement) celui-là ; comme un point de départ.
Paul Mercier, dans Les civilisations du Bénin, parle d’un moment qui se situe entre la mort d’un roi et l’avènement d’un autre comme d’une période de confusion et d’abandon aux désordres. C’est également le moment où l’on peut s’emparer de nombre de biens, où l’on peut presque en venir à s’emparer des vies. Une période où, précisément, « la nuit est tombée sur le royaume ».

C’est cette notion de désordre qui m’intéresse d’explorer ici. Et, par là même, de questionner l’ordre et donc, en creux, le pouvoir… Mais comment faire advenir le désordre ? Comment questionner le pouvoir ? Et cela, sur un plateau ? Les questions centrales de cette seconde recherche à L’L.

Pourquoi le désordre a-t-il si mauvaise presse ? Il n’est finalement qu’un élément constitutif de nos vies dont nous ne savons rien puisqu’il est imprévisible, accidentel, étranger à nos tentatives d’organisation. Il est finalement l’élément perturbateur qui chamboule la linéarité, et nous permet de ne pas trop nous enliser tout au long de notre existence.
Pourtant, pour les tenants de l’ordre (le politique par exemple), c’est un ennemi dangereux qui doit être canalisé, réduit à son minimum, sinon effacé, parce qu’il est par essence ingérable, imprévisible, et en somme un contre-pouvoir absolu.
D’où la question : la liberté ne serait-elle pas tapie dans le désordre ? »

Michaël Allibert

Résidence mars 2015:
« J’ai demandé à Frédéric Vinot (Maître de Conférences HDR en Psychopathologie clinique) de participer à la réflexion autour de La nuit est tombée sur le royaumeaprès la lecture d’une communication qu’il avait écrite sur « exclusion sociale et non-lieux, des espaces urbains à la pulsion ». J’y ai retrouvé, d’une certaine façon, des problématiques qui peuvent être les miennes en terme d’appropriation d’espace, de traces laissées, de traits dessinés mais pris sous un angle, non pas chorégraphique, mais psychanalytique. » M.A.

Psychologue clinicien de formation, Frédéric Vinot soutient une thèse en 2006 (« Fondements vocaux de la socialité : insertion de la voix dans la clinique de l’exclusion »), puis est recruté en 2008 en tant que Maître de Conférences par l’Université Nice Sophia Antipolis où il dirige actuellement 2 diplômes : le M2 « Psychologie clinique et médiations thérapeutiques par l’art » et le D.U. « Interaction, Art et Psychothérapie ». Depuis 2014, il est habilité à diriger des recherches.
Ses travaux portent sur les usages des pratiques artistiques dans la rencontre clinique (« Les médiations thérapeutiques par l’art : le Réel en jeu » co-dirigé avec JM Vives, publié en 2014 aux éditions Eres) et sur une modélisation psychanalytique de l’habiter, comprenant à la fois le point de vue clinique (en 2008-2010, il dirige le rapport « Dimensions Psychologiques de l’habiter chez les personnes SDF ») et le point de vue artistique (conférences sur G. Rousse, F. Varini, G. Matta-Clark, etc.).
Membre du mouvement Insistance, il exerce la psychanalyse à Nice.